Interview - René Dutrey, président de l’Adil75, association d’aide au logement
Propos recueillis par A.L. | Publié le 11 mai 2013
Fin connaisseur du marché de l’immobilier, René Dutrey décrypte cette
nouvelle tendance.
Les propriétaires sont de plus en plus nombreux à se mettre en
colocation. Cela vous étonne-t-il ?
Pas du tout. Aujourd’hui, tous les moyens sont bons pour
rester dans son logement. Selon une récente étude, la priorité numéro 1 des
Français est de garder un toit, avant même d’avoir un emploi ! Du coup, ce
phénomène, jusqu’ici à la marge, s’amplifie. La colocation traditionnelle,
vécue par des étudiants comme un rite de passage sympathique, se transforme
désormais en colocation contrainte pour des adultes qui ont fini leurs études
depuis longtemps.
Qui sont ces nouveaux adeptes ?
On a affaire à des familles monoparentales, des quadras ou des quinquas
qui se retrouvent seuls après une séparation ou un accident de la vie. Ils
n’ont pas d’autre solution pour rester chez eux que de louer une chambre ou
deux.
Ces colocations contraintes peuvent-elles poser des problèmes ?
Depuis 2009, nous avions constaté au sein des Adil (NDLR : Associations
d’information sur le logement) que les personnes âgées étaient de plus en plus
nombreuses à louer une chambre à un étudiant pour rester chez elles. Cela a
engendré des situations très compliquées qui sont parfois allées jusqu’au
harcèlement. Le propriétaire âgé ne voulait pas, par exemple, que l’étudiant
rentre après 21 heures ou qu’il soit accompagné. Ce n’est pas évident que les
nouveaux adeptes accepteront mieux ce mode de vie particulier après avoir vécu
en couple ou en famille !
Les couples séparés ont toujours existé. Pourquoi ce phénomène
augmente-t-il aujourd’hui ?
Ces gens sont contraints économiquement de le faire. Avec la crise, les
propriétaires les plus précaires n’ont pas d’autre choix que de partager le peu
d’espace qu’ils ont pour pouvoir rester dans leur logement. Trouver un
colocataire est plus rapide que de trouver un acheteur, vu l’état du marché. Le
problème, c’est que, alors que les colocations d’étudiants se font normalement
dans de grands appartements, celles que l’on voit aujourd’hui se font surtout
dans des habitations plus exiguës. Cela montre que la crise économique aggrave
encore un peu plus celle du logement.
Interview original sur leparisien.fr
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